Taux negatifs, enfer ou paradis ?

Taux negatifs, enfer ou paradis ?

Il y a 10 ans, un analyste financier qui aurait prédit des taux d’intérêts inférieurs à zéro aurait été enfermé pour atteinte à l’honorabilité de la profession. Comme l’impensable est aujourd’hui d’actualité et que l’impression de marcher sur la tête nous indispose, voyons comment nous en sommes arrivés là, et essayons d’imaginer les impacts de cette situation sur l’épargne.

Pour bien comprendre, il faut savoir que ce sont les banques centrales, et notamment la BCE, qui utilisent ces taux pour inciter les ménages, les entreprises et les états à dépenser plutôt qu’à épargner. Leur but, c’est de relancer la croissance, laquelle doit permettre de résorber le chômage et d’éviter la déflation. Cette dernière étant l’ennemi juré car elle conduit tous les acteurs à reporter à demain les décisions d’achats, comportement qui entraine la croissance par le fond. Jusqu’ici, rien d’anormal donc, la BCE est dans son rôle de chef d’orchestre de la politique monétaire.

Ce qui est perturbant dans l’histoire, c’est le côté contre intuitif. Si on se rappelle nos cours d’économie, le prix de l’argent (son taux) est égal au taux d’inflation anticipé (celui que l’on pense avoir demain), plus le prix du risque (lui-même fonction de la qualité de l’emprunteur et de la durée du prêt). Alors quand cette addition aboutit à un moins, il y a quelque chose de pas net, et quand c’est flou, il peut y avoir un loup !

Côté résultats de cette politique de taux bas en Europe, on ne peut pas dire que le succès soit au rendez-vous, les perspectives de croissance sont revues à la baisse et la seule inflation que l’on constate, c’est une inflation des actifs : les prix de l’immobilier flambent et les bourses montent.

 

Donc, enfer ou paradis ? Côté emprunteur, c’est plutôt la fête, mais le revers de la médaille est peut-être du côté épargnant. Et vu de sa fenêtre, c’est quoi le paysage ?

Le rendement des fonds en euro est impacté par la baisse continue des taux obligataires qui composent l’essentiel des actifs. Le rendement moyen en 2018 était de 1,80% et on anticipe une nouvelle baisse cette année de -0,30%. Avec une inflation de 1,80% sur 2018, le pouvoir d’achat n’est donc plus préservé. Le fonds euro qui était le socle de beaucoup de stratégie d’épargne prudente sera de plus en plus utilisé comme support de trésorerie. De leurs côtés, les compagnies d’assurance pour préserver les rendements des fonds actuels en limitent l’accès. Il faut rappeler que l’actif en euro est une exception Française, nous allons donc devoir revisiter nos gammes et oser prendre des risques mesurés si nous voulons atteindre un rendement qui préserve ne serait-ce que le pouvoir d’achat.

Face à cette situation, les flux financiers, au-delà du succès rencontrés par l’épargne règlementée (Livret A, PEL….) se dirigent vers l’immobilier ce qui n’est pas sans impact sur le prix des actifs.

L’immobilier d’habitation

Les prix de l’immobilier d’habitation s’envolent dans les métropoles régionales attractives (Lyon, Bordeaux, Lille, Nantes, Rennes…). Paris reste un marché unique où l’effet rareté face à une demande très forte et des taux d’intérêts très bon marché conduisent à faire exploser les prix au m2. Valeur refuge pour de nombreux épargnants, l’immobilier d’habitation n’offre aujourd’hui qu’un rendement relativement faible (2-3%) et on peut s’interroger sur les perspectives de plus-value.

L’immobilier professionnel

De son côté, l’immobilier professionnel (bureaux, commerces, résidences services, locaux activités) le plus souvent détenu au travers de supports collectifs (SCPI, OPCI..) offre toujours un rendement attractif (4-6%) sans soucis de gestion. Mais attention, si le marché est aujourd’hui tendu (tout monte !), les tendances de fond de l’évolution de la société (co-working, e.commerce, eco-responsabilité, phénomène de métropolisation…), impacteront la valeur de nombreux actifs.

Les marchés actions

Quant aux marchés actions, la période actuelle se caractérise par une forte volatilité. Fin 2018, les marchés broyaient du noir pour rebondir ensuite sur 2019, et ce, sans que l’on puisse véritablement justifier cette tendance par des fondamentaux solides. La situation présente nous interpelle : alors que les prévisions de croissance mondiale sont revues sans cesse à la baisse, les indices mondiaux des marchés actions sont étonnamment au vert. Sur un an glissant au 30/10/19, le CAC40 gagne +21%, le DowJones: +16%; EuroStoxx 50: +20%…

 

Alors, enfer ou paradis ces taux négatifs ?

 

Enfer pour l’épargne administrée (livrets, pel…), et les fonds euro. Paradis pour ceux qui ont la capacité d’emprunter et peuvent profiter du levier du crédit.

Enfer pour les banques dont la rentabilité est menacée, paradis pour les fintech qui proposent un nouveau modèle économique low cost.

Aubaine pour les états dispendieux, risques pour les porteurs de la dette en cas de remontée des taux.

 

Dans cet environnement où tout va vite, où il y a beaucoup d’excès, où l’on entend tout et son contraire, il va falloir prendre le temps de la réflexion et définir son cap, sa stratégie propre. La dictature du court terme, l’actualité en mode BFM en continu, n’ont pas de sens en gestion de patrimoine. Ce qui est dit aujourd’hui sera oublié dès demain.

Cette période est certes déroutante. Diversifier ses actifs, chercher un rendement que l’on comprend et aussi, pourquoi pas, en profiter pour découvrir d’autres pistes porteuses de sens, comme investir dans des projets de proximité.

➡️ Pour tout ça, nous pouvons vous accompagner.

 

Patrick Quéré